Affaire Pétel : 5 personnes mises en examen dont un militant de la Ligue du Midi

Le Poing Publié le 13 septembre 2018 à 19:18 (mis à jour le 27 février 2019 à 00:06)

L’enquête sur le commando armé de la faculté de droit et de science politique de Montpellier connait de nouveaux rebondissements. Huit personnes ont été placées en garde à vue mardi dernier, dont deux qui ont été rapidement libérées. Parmi les six restantes figureraient un jouteur de Sète, un militaire à la retraite, un militant du Rassemblement national (extrême-droite), la femme du professeur de droit Jean-Luc Coronel (lui-même mis en examen dans cette affaire), et deux militants du groupuscule fasciste de la Ligue du Midi : Jordi Vives et Martial Roudier. Cinq des six gardés à vue ont été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire, dont Martial Roudier. Quatre d’entre eux l’ont été pour « violences aggravées » et « intrusion dans un établissement d’enseignement » et un autre pour complicité de ces délits. Un autre a été placé sous le statut de témoin assisté. Certains gardés à vue accableraient encore davantage Philippe Pétel, l’ancien doyen de la faculté de droit accusé d’avoir commandité l’attaque.

Une agression dans le cadre d’un mouvement social

Un petit rappel des faits s’impose. Le 22 mars, plusieurs milliers de personnes manifestent à Montpellier pour réclamer le retrait de la sélection à l’université et dans la foulée, environ mille personnes investissent un amphi de la faculté de droit pour y tenir une assemblée générale, conformément à une décision préalable concertée avec l’administration. Les étudiants décident d’occuper l’amphithéâtre pour la nuit, mais plusieurs personnes cagoulées et armées de bâtons et de tasers tabassent les étudiants, sous les applaudissements de professeurs de la faculté de droit. Une semaine plus tard, le doyen Philippe Pétel et le professeur Jean-Luc Coronel sont placés en garde à vue et mis en examen, respectivement pour complicité d’intrusion et violences. Des étudiants témoins des faits font alors rapidement savoir que Pétel et Coronel ne sont que l’arbre qui cache la forêt.

Obstruction policière, administrative et médiatique

Malgré une large diffusion des noms des professeurs impliqués, notamment par le Poing, l’enquête s’enlise. Le 27 mars, plusieurs dizaines de témoins ont été au commissariat, mais les policiers ont accepté de n’entendre que deux personnes, en assurant qu’ils allaient rappeler les autres témoins, mais la majorité des témoins-clés n’ont jamais été rappelés. Dès l’ouverture de l’instruction, l’avocat des victimes, maitre Domerseman, a demandé au juge d’instruction d’auditionner une vingtaine de témoins, en vain. En avril, la Ligue des Droits de l’Homme a fait savoir au procureur de la République qu’elle disposait d’une vingtaine de témoignages et d’une dizaine de vidéos sur les faits, mais le procureur n’a pas demandé les documents. Début mai, le défenseur des droits a été saisi à propos de la non-intervention des policiers le soir de l’agression. De son côté, le président de l’université de Montpellier, Philippe Augé, a refusé à deux reprises d’ouvrir une enquête contre des personnes désignées par les syndicats comme faisant partie des agresseurs. Il sait parfaitement qui sont ces personnes accusées étant donné qu’il a reçu en mains propres de la part du comité de mobilisation de la faculté de droit une vingtaine de lettres manuscrites dans lesquelles des étudiants de l’université disent ne plus se sentir en sécurité au vu de la présence sur le campus de personnes incriminées et nommées. Malgré ces faits, le journaliste Jean-Marc Aubert, connu pour sa proximité avec les autorités et ses propos racistes, affirme dans e-metropolitain que les policiers « n’ont reçu aucun témoignage d’étudiants présents le soir de l’irruption du commando »…

Implication de l’extrême-droite

Le profil des personnes arrêtées mardi dernier relance l’affaire, notamment car deux militants d’extrême-droite figurent parmi les gardés à vue : Martial Roudier et Jordi Vives. Jordi Vives se présente comme le directeur de publication de Lengadoc-Info, mais c’est avant tout un militant de la Ligue du Midi, qui anime parfois des formations pour d’autres groupuscules d’extrême-droite, dont le GUD. Son ami Martial Roudier – militant actif de la Ligue du Midi incarcéré en 2013 pour avoir poignardé dans le dos un mineur – rédige des articles et prend des photos pour Lengadoc-Info. Se présentant comme un « média alternatif et indépendant », Lengadoc-Info est en réalité le canal de propagande de la Ligue du Midi. Sa ligne éditoriale se résume à dénigrer les syndicats et les mouvements sociaux, à soutenir la police et les groupuscules fascistes et à dénoncer… l’insécurité – sauf l’insécurité « de souche » venue de l’extrême droite. L’arrestation de ces militants d’extrême-droite fait écho aux propos de Paul Alliès, ancien doyen de la faculté de droit et de science politique de Montpellier selon lequel « la sanctuarisation de cette France rance, antisémite, pétainiste, identitaire est une opération qui a ses interprètes dans l’université, dans la magistrature, dans les médias. C’est ce qui est en cause dans les violences de la Fac de Droit de Montpellier ».

Des questions toujours en suspens

Pourquoi la police n’est pas intervenue le soir de l’agression ? Qui sont les membres du commando et de quelles complicités ont-ils bénéficié ? Quel est le rôle exact joué par l’extrême-droite ? Pourquoi la police, le juge d’instruction et le président de l’université ont-ils refusé d’entendre plusieurs témoins-clés ? Les professeurs, les doctorants et les membres du personnel administratif et technique désignés comme faisant partie des agresseurs vont-ils être inquiétés ? Quels sont les nouveaux éléments apportés par les gardes à vue ? L’omerta de la faculté de droit va-t-elle se briser ? Affaire à suivre.

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