Archives - International 21 septembre 2015

Femmes du Chiapas : l’émancipation par la révolution

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1er janvier 1994. Entrée en vigueur du Traité de libre commerce entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. C’est la date choisie par l’EZLN, l’Armée zapatiste de libération nationale, pour marcher sur sept villes de l’État du Chiapas, au Mexique. Si les médias ont essentiellement retenu la figure du sous-commandant Marcos, chef militaire de ce mouvement politique indigène(1), peu se sont intéressés au caractère inédit du soulèvement : aux côtés des guérilleros, les indiennes ont pris les armes.

Vingt ans après le soulèvement zapatiste au Chiapas (Mexique), la réflexion mondiale  des rebelles zapatistes sur les expériences politiques alternatives est désormais bien connue. Pourtant, beaucoup omettent de préciser que les femmes sont à l’origine de cette Révolution. Tout commence le 8 mars 1993, lorsque la loi révolutionnaire des zapatistes s’impose pour tenter de mettre fin à cinq cents ans de sexisme exacerbé. Les indiennes vont scander un « ¡ya basta! » contre leur exploitation, allant jusqu’à prendre les armes aux côtés de leurs compagnons insurgés.

 

 Mettre fin à des siècles d’exploitation

Le Chiapas est une des régions les plus pauvres du monde. Malnutrition, analphabétisme, mortalité infantile sont la norme chez les Indiens. Le « triple malheur » est d’être indigène, pauvre et femme. Le mariage de force de mineures y est commun, la femme est un objet contre lequel on peut échanger de l’alcool, sortir de sa maison lui est interdit. Si les historiens soulignent le rôle politique que pouvait avoir la femme dans la civilisation maya, la colonisation et la christianisation du Mexique vont imposer une société patriarcale encore bien ancrée.

Exploitées parmi les exploités, les indiennes chiapanèques ont été à l’origine de plusieurs soulèvements historiques anticoloniaux puis antiétatiques. Si l’EZLN puise son idéologie dans l’antilibéralisme et l’indianité, Sabine Masson explique qu’il est aussi « l’héritier de l’histoire des luttes des femmes indiennes et métisses. » En prenant les armes, elles vont non seulement se rebeller contre l’asservissement de leur peuple, mais aussi celui de leur sexe. Guiomar Rovira rapporte ce fait, révélateur d’un machisme séculaire : « Les premiers jours de la guerre, certains secteurs n’hésitaient pas à affirmer que le mouvement zapatiste était étranger parce que ce n’était pas possible qu’il y ait là des femmes indiennes de là-bas, toujours si soumises »(3).

 

La loi révolutionnaire des femmes

La première insurrection de l’EZLN, pour Marcos, s’est déroulée le 8 mars 1993, insurrection où « il n’y avait pas eu de pertes et où (les femmes) avaient gagné »(4). Le Comité clandestin révolutionnaire indigène (CCRI) vote alors la loi révolutionnaire des femmes de l’EZLN. Les commandantes Susana et Ramona ont parcouru le Chiapas afin de recueillir les demandes des paysannes et de les faire participer aux délibérations. La loi est traduite dans tous les dialectes indigènes. Conscientes qu’il fait écho à leur propre situation, les insurgées souhaitent que le texte soit enrichi par les revendications des femmes de tout le Mexique.

Une telle loi peut-elle renverser cinq cents ans de machisme intériorisé par les hommes comme par les femmes ? En vingt ans, la situation a progressé. Dans les villages, malgré des résultats hétérogènes, de plus en plus de femmes osent recourir à la loi pour se défendre, avoir accès à l’école, à la contraception. Au sein de l’armée insurgée, l’égalité doit passer tant par l’accès aux grades militaires que par la répartition des tâches ménagères. Les femmes jouent aussi un rôle d’opposition en matière d’éducation (autonome et politisante), de santé mais aussi au sein du CCRI et d’autres structures politiques. Le nombre de femmes dans l’armée est passé de deux guerilleras à un tiers des effectifs entre 1984 à 1994, cette proportion s’étant stabilisée depuis.

 

Etat et mouvements sociaux

Depuis l’insurrection, l’Etat mexicain cherche à étouffer la voix de ceux qui ont brisé un silence multiséculaire. Si, en 1995, c’est par l’offensive militaire que le gouvernement va réprimer les rebelles, le conflit va relativement se pacifier.

L’Etat va mettre en place dès 1997 le programme Progresa, dont le but est de remettre aux femmes les plus pauvres une aide financière. Avancée face aux exigences des indiennes ? L’aide est si faible(6) qu’elle les maintient dans la précarité et la soumission. Mariana Mora explique que le programme « fait partie de la même guerre de basse intensité parce qu’il vise à « contrôler les corps et les esprits des femmes » »(7). Pour J. Falquet, « l’État néolibéral cherche d’abord à convaincre et à contraindre ces femmes appauvries et/ou racisées à travailler encore plus dur. C’est bien d’ailleurs ce qui éclaire leur participation décidée aux mouvements sociaux qui s’opposent à la mondialisation. »(8)
Le fusil des insurgées est rangé mais jamais abandonné.

Selma Clausen

 

(1) Organisation fondée en 1983, devenue indigène vers 1988, antilibérale et altermondialiste. Composé de la guérilla (EZLN), des militants civils (FZLN) et des sympathisants. (2) Sabine Masson, « Histoire, rapports sociaux et mouvements des femmes indiennes au Chiapas (Mexique). Sur l’usage de l’histoire dans la recherche féministe postcoloniale », Cahiers du Genre, 2008 (3) Guiomar Rovira, Femmes de maïs, Rue des cascades, 1998 (4) Propos de Marcos (5) Comité clandestin révolutionnaire indigène (6) Au mieux 12 euros par mois en 2008 (7) Mora Mariana, « Compañeras sur le chemin de l’autonomie », postface de Femmes de maïs (8) Falquet Jules et al., Le sexe de la mondialisation, Presses de Sciences Po, « Académique », 2010

 

En espagnol

 

Primero de enero 1994. Entrada en vigor del Tratado de Libre Comercio de América del Norte (TLCAN), entre Estados Unidos, Canada y México. Esta fecha fue también elegida por el Ejército Zapatista de Liberación Nacional (EZLN), para invadir siete ciudades del estado del Chiapas (México). Los medias hablan principalmente del Subcomandante Marcos, leader del movimiento hasta 2014(1), pero pocos se interesaron a la nueva dimensión de esta insurrección : al lado de los guerrilleros, indígenas han tomado las armas.

Veinte años después del levantamiento zapatista en el Chiapas, los rebeldes indígenas han extendido su influenza, y su concepción del mundo sobre las experiencias políticas alternativas ahora está bien conocido. Sin embargo, se omiten precisar que las mujeres son el origen de la revolución. Empiezó el 8 de marzo de 1993, cuando la ley revolucionaria zapatista se impuso, tratando poner fin a quinientos años de machismo exacerbado. Las indígenas gritaron « ! Ya basta ! » contra su explotación, y tomaron las armas juntas con sus compañeros insurgentes.

Luchar contra siglos de explotación

 El Chiapas es unos de los territorios mas pobres del mundo. Malnutrición, analfabetismo, mortalidad infantil, constituyen las normas para los Indígenas. Triple calamidad : nacer indígena, pobre y mujer. El matrimonio forzoso para menores es algo común, una mujer es un objeto que se puede intercambiar por alcohol, salir de la casa está prohibido. Los historiadores subrayan la función política de la mujer en la civilización maya, pero la colonización y la cristianización de México impusieron una sociedad patriarcal, todavía muy enraizado.

Explotadas entre los explotados, las indígenas chiapanecas estuvieron en el origen de varios levantamientos históricos, anticoloniales después antiestatales. El EZLN encuentra su ideología en el anti-liberalismo y la identidad indígena, pero así que le explica Sabine Masson, también es « el heredero de la historia de las luchas de las mujeres indígenas y mestizas »(2). Tomar las armas es una rebelión contra la esclavitud del pueblo, pero también del sexo. Guiomar Rovira hace referencia a un hecho revelador del machismo secular : « Los primeros días de la guerra, algunos dijeron que el movimiento zapatista era extranjero porque no era posible que hubiera mujeres indígenas allá, tan sometidas. »(3).

La ley revolucionaria de las mujeres

 La primera insurrección del EZLN, según Marcos, fue el 8 de marzo 1993 « donde no hubo víctimas y donde [las mujeres] ganaron »(4). El Comité Clandestino Revolucionario Indígena (CCRI) votó la ley revolucionaria de las mujeres del EZLN. Las comandantes Susana y Ramona recorrieron todo el Chiapas para recoger las reivindicaciones de las campesinas y hacerlas participar a las deliberaciones. La ley está traducida en todos los dialectos indígenas. Las mujeres tienen consciencia que ese texto hace eco de su situación actual, y por eso, quieren que sea completo con las reivindicaciones de todas las mujeres de México.

Esa ley puede realmente derrocar quinientos años de machismo interiorizado por hombres como mujeres ? En veinte años, la situación se mejoró. En los pueblos, a pesar de resultados heterogéneos, muchas mujeres se atreven recurrir a la ley para defenderse, ir a la escuela y utilizar la contracepción. Dentro del ejército insurgente, la igualdad existe en todos los niveles, que sea los grados militares o la repartición de las tareas del hogar. También las mujeres tienen una función de oposición para la educación (autónoma y política), la salud, igualmente en el CCRI(5) y otras structuras políticas. Desde 1984 hasta 1994, el número de mujeres en el ejército ha aumentado de dos guerrilleras a un tercio de los efectivos ; todavía esta proporción está estabilizada.

Estado y movimientos sociales

Desde la insurrección, el Estado mexicano ha tratado sofocar la voz de los que han vencido un silencio secular. En 1995, el gobierno había reprimido los rebeldes con una ofensiva militar ; ahora el conflicto se vuelve pacificando (relativamente).

Desde 1997, el Estado ha establecido el programo Progresa, cual objetivo es dar una ayuda financiera a las mujeres mas pobres. Un avance para las exigencias de las indígenas ? La ayuda es muy pequeña(6), mantiene las mujeres en la precariedad y la sumisión. Mariana Mora explica que ese programo « hace parte de la misma guerra de baja intensidad porque trata controlar los cuerpos y los mentes de las mujeres »(7). Según Jules Falquet, « el Estado neoliberal quiere sobre todo persuadir o obligar estas mujeres empobrecidas y/o víctimas de racismo trabajar mas. Eso explica la participación voluntaria de las mujeres en los movimientos sociales, cuales se opongan a la globalización. »(8). Las insurgentes han podido el escopeta, pero nunca le abandona.

Selma Clausen, traduction de Eva R aynal

(1) Organización fundida en 1983, indígena en 1988, antiliberal y altermundialista. Se encuentra la guerrilla (EZLN), militantes civiles (FZLN) y simpatizantes. (2) Sabine Masson, « Historia, vínculos sociales y movimientos de las mujeres indígenas en el Chiapas (Mexico). Sobre el uso de la historia en el estudio feminista postcolonial », Cahiers du Genre, 2008 (3) Guiomar Rovira, Mujeres del mais, Rue des cascades, 1998 (4) Marcos (5) Comité Clandestino Revolucionario Indígena (6) Al mejor, 12€/mes (7) Mora Mariana, « Compañeras sobre el camino de la autonomia », postface de Mujeres del mais (8), Jules Falquet, El sexo de la globalizacion, Presses de Sciences Po, « Académique », 2010

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