Archives - Politique 29 mai 2017

Gentrification : halte à la chasse aux pauvres !

Le Poing, n°27 – La guerre contre les pauvres, autrement appelée la lutte des classes, s’exerce de plein de manières différentes : violences policières, mépris des médias bourgeois, distribution massive d’anxiolytiques, soumission au patron encadrée par loi, etc. Tout est fait pour apeurer les individus et leur ôter toute confiance en eux, selon la bonne vieille expression « Diviser pour mieux régner ». Cette volonté d’isoler les opprimés s’exerce dans l’organisation des villes à travers la « gentrification ». Ce terme universitaire désigne « un phénomène urbain par lequel des personnes plus aisées s’approprient un espace initialement occupé par des habitants ou usagers moins favorisés ». Si les autorités municipales de Montpellier harcèlent les vendeurs à la sauvette de Gambetta et « rénovent » les rues derrière la gare, ce n’est pas pour rendre ces quartiers plus « propre » comme ils le disent (les pauvres sont sales, c’est bien connus), mais pour attirer des « jeunes dynamiques », c’est-à-dire des gens « productifs » et solvables.

Ces gens-là disposent de ressources suffisantes pour se débrouiller seuls et laissent donc mourir à petit feu les tissus de solidarités noués par les pauvres depuis des générations pour qu’ils puissent survivre sans avoir à mendier l’assistance publique. Cette autonomie solidaire permet de se définir une appartenance en dehors de la sphère de l’État et les gouvernants font donc tout pour détruire ces liens de base et placer les individus seuls face à un Etat omnipotent qui apparaît alors comme étant le seul à pouvoir les protéger. Si les pouvoirs publics construisent des quartiers formés d’ambiance de supermarché, de prison et de bureaux, ce n’est pas parce qu’ils affectionnent particulièrement la laideur (eux vivent dans des belles bâtisses), mais parce qu’ils savent que l’absence de convivialité est le meilleur moyen d’éviter que les pauvres ne discutent entre eux et ne se refilent des bons plans qui leur permettraient de court-circuiter les centres de consommation et de mendicité officielles (Monoprix et Pôle Emploi, les deux mamelles de la République).

Les gouvernants ont même théorisé cette volonté de tuer l’âme des lieux, ça s’appelle la « prévention situationnelle », qui « recouvre l’ensemble des mesures d’urbanisme, d’architecture ou techniques visant à prevenir la commission d’actes délictueux ». L’idée, c’est de rendre les espaces « lisibles » par la police, comme ces grands boulevards avec des caméras et un éclairage continue et où les équipements sont fixés aus sol pour qu’ils ne puissent pas servir de projectiles. Ca donne des quartiers comme Antigone, Millénaire ou Odysseum, où il ne viendrait l’idée à personne de s’y poser avec des amis, et c’est bien là l’objectif visé : que personne ne parle avec personne pour que rien n’arrive ; et alors les gouvernants peuvent dormir tranquilles.

En attendant le jour où on brûlera les villes et où on pendera les architectes avec les tripes des adjoints à l’urbanisme, il est toujours possible de saboter ce système mortifaire en se réapropriant les rues et en réquisitionnant des bâtiments, comme Luttopia ou l’ex Royal Occupé. Mieux vaut allumer une seule et minuscule bougie plutôt que de maudire sans fin l’obscurité.

                                                                                                                                                                                                                                     Jules Panetier

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