Petit historique du Karnaval des Gueux

Le Poing Publié le 24 mars 2017 à 22:22 (mis à jour le 25 août 2021 à 12:48)
Tous les mardis gras, entre 400 et 800 montpelliérains se donnent rendez-vous au Peyrou pour le Karnaval des Gueux. Une vieille coutume parfaitement inorganisée à la gloire des culottes sales, des haleines fortes, des sales mômes et autres partisans de la méchanceté gratuite sans complaisance. Dans son édition du 20 février 1985, Midi Libre en parle comme d’un « véritable pugilat » et dénonce les « quelques casseurs [qui] s’étaient glissé dans la sarabande pour accomplir leurs basses œuvres, casser des vitrines notamment ». Déjà les gardiens de l’ordre faisaient le tri entre les gentils et les méchants karnavaliers pour semer la discorde et faire disparaître cette fête populaire. En 1990, c’est le « dérapage » :« place de la Comédie, les bus ont été pris d’assaut par des jeunes gens armés de sacs de farine, d’œufs et de bombes à eau. […] Des voyageurs excédés, des chauffeurs ulcérés, des vitres brisées, des bus souillés, le carnaval […] a dégénéré. » (Midi Libre, 28/02/1990).

karnaval des gueux

Vive le feu, vive les fous !

Cette année 1990, la mairie coupe les subventions, le préfet interdit les jets de pétards, les proviseurs sanctionnent les cancres. Ils pensaient avoir tué Karnaval mais en 1995, Karvanal réapparait : « une cohorte d’huluberlus grimés et déguisés […] parcourent les rues de la ville au son des tam-tam et de la fanfare », « la grosse tête de Charles Pasqua a été enflammée », « quelques sauts au travers des flammes pour les plus téméraires » (Midi Libre, 02/03/95). En 2004, le feu s’empare des fous : le comité de soutien aux inculpés du carnaval constate qu’ « en effet, cette année arriva ce que beaucoup attendaient. Depuis trop longtemps peut-être ! Le ‘‘dérapage’’ de Carnaval, comme se plaisent à dire les observateurs ‘‘objectifs’’ ! Une vitrine a cédée sous des coups de pieds enragés et s’en est suivie une intervention musclée de la police et un début d’affrontement entre carnavaliers et forces de l’ordre. Affrontement fait de jets de canettes et d’insultes d’une part, de coups de tonfa, de lacrymos et de terreur automobile de l’autre. […] Les arrestations et les jugements qui s’en suivront montreront combien tout ça ne fut qu’une tentative de répression avortée d’une occupation de rue libre et sans autorisation. En punir un pour en effrayer ou dissuader cent. Et au milieu de tout ça, quelques ‘‘bons citoyens’’ qui tout en se faisant gazer et frapper par les flics leur dénoncent quelques ‘‘troubles-fête’’ parce que ‘‘quand même on est venu pour faire la fête’’ et que ‘‘casser des vitrines, c’est pas festif’’ et que, c’est bien connu, ‘‘la police est là pour qu’on s’amuse dans le calme’’. On croit rêver ! »

karvanal des gueux
Depuis cette année 2004, la police réprime systématiquement le Karnaval des Gueux. Avec de nombreux blessés – dont certains ont été touchés au visage par des tirs de flashballs – et deux karnavaliers jetés en prison, l’édition du 28 février 2017 n’a pas échappé à la règle. Dans un communiqué, le préfet évoque « des militants d’extrême gauche et des anarchistes […] ce noyau dur [qui] a provoqué et agressé les forces de l’ordre […] des poubelles et containers ont été brûlés […] les organisateurs ont pu, cette année, s’appuyer sur le squat du Royal [pour] déployer aisément une véritable logistique nécessaire aux dégradations » (France 3, 01/03/17). « Les voyous ont cassé ma vitrine, mes mannequins et arraché les sous-vêtements très chers qui se trouvaient dessus » (France Bleu, 01/03/17). Face aux vieilles ficelles des médias bourgeois consistant à faire porter le chapeau des « débordements » aux squatteurs et à des groupuscules « d’extrême-gauche » qui manipuleraient « les honnêtes citoyens », rappelons inlassablement que le besoin ancestral de retourner les valeurs de la société ne peut s’exprimer que dans la subversion et l’illégalité !

Texte inspiré de la brochure « Carnaval : la fête qui retourne tout »

Pour voir plus de photos et en savoir plus sur ce qu’il s’est passé le soir du 28 février 2017, lire « Explosions & confettis – Que s’est-il passé lors du Karnaval des Gueux ? »

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