La justice à Montpellier : il n’a rien volé, rien dégradé, il prend quatre mois ferme

Le Poing Publié le 21 novembre 2017 à 16:11 (mis à jour le 28 février 2019 à 22:04)

Depuis plusieurs mois, un groupe de travail assiste régulièrement aux séances de comparution immédiate de Montpellier pour témoigner de cette justice d’abattage. En comparution immédiate, le tribunal part du principe que le prévenu est forcément coupable. On ne juge pas des faits, mais une « personnalité ». Et pour l’État, avoir une « mauvaise personnalité », ça veut surtout dire être pauvre, arabe et peu disposé à se laisser marcher dessus par les « autorités ». Le Poing vous résume trois affaires, scandaleuses mais banales, jugées hier au tribunal correctionnel de Montpellier dans le cadre de la comparution immédiate.

Menacé de mort en prison, on lui refuse son transfert

C’est l’histoire d’un quarantenaire livré à lui-même, sans famille ni attache, qui se retrouve en prison à Villeneuve-lès-Maguelone (VLM), près de Montpellier. La détention se passe mal. À trois pour une cellule de deux, il dort par terre. On le menace de mort. Il obtient une permission de sortie pour une demi-journée, mais il déchante vite car des prisonniers en profitent pour lui faire du chantage : « on m’a demandé de faire quelque chose que je ne veux pas faire, on m’a dit de rentrer avec un ‘‘colis’’, et je ne peux pas m’opposer à ceux qui m’ont dit ça » explique l’homme. Il n’en parle pas à l’administration pénitentiaire, trop de pression. Il ne sort plus de sa cellule. Même pas pour aller voir le médecin ou son avocate, trop de risque. Les surveillants ont forcément dû s’apercevoir de cette situation, mais visiblement, ils n’ont rien fait. Le jour de sa permission, l’homme ne revient pas à la prison. Trop dangereux de revenir sans le « colis ». Pour la « justice », c’est une « évasion », et c’est la raison pour laquelle il comparaissait hier en comparution immédiate au tribunal correctionnel de Montpellier. Au passage, le procureur lui a rajouté sur le dos des faits de menaces qu’il aurait professées durant l’été 2016 contre les voisins de sa résidence… Lui ne s’en rappelle pas mais qu’importe, il ne demande qu’une chose : qu’on le transfère ailleurs, dans une autre prison, pour qu’il puisse préparer sa sortie sereinement, sans craindre pour sa vie. Son avocate, qui le suit depuis plusieurs années, dit que « cet homme a peur pour sa vie, il est en dépression plus plus plus, et je m’inquiète ». Le juge, lui, a l’air plutôt serein : il le condamne à huit mois ferme pour « évasion », et quatre mois ferme pour les menaces de l’été 2016 dont il ne se souvient plus. Peine qu’il devra effectuer sous mandat de dépôt à VLM, le juge se déclarant incompétent pour le transférer dans une autre prison. Et cette incompétence est bien pratique pour le juge, parce que si ce prisonnier se suicide ou subit de graves violences, ce ne sera pas de sa faute, bien évidemment.

« La préoccupation première de notre direction est de rechercher le bien-être de nos pensionnaires, plutôt que de faciliter la condition du personnel. » Étienne de Sinno, syndicaliste FO-Pénitentiaire à la prison de Villeneuve-lès-Maguelone

Il n’a rien volé, rien dégradé, il prend 4 mois ferme

C’est l’histoire d’un cinquantenaire sorti de prison il y a même pas deux mois. Il est SDF, sans un sou en poche. Il aurait dû recevoir les 450€ du RSA, mais la Caf a transféré l’argent à la prison de Villeneuve-lès-Maguelone. S’il s’est retrouvé hier au tribunal de Montpellier, c’est pour tentative de vol dans un véhicule et dégradation de ce même véhicule. Finalement, le juge se rend compte que la voiture n’a pas été dégradée, même pas la serrure, et cette charge est donc abandonnée. Concernant la « tentative de vol », l’avocat du prévenu rappelle qu’il cherchait de la nourriture, qu’il croyait en avoir vu dans la voiture, il l’a donc ouverte avec des ciseaux d’écoliers, et comme il s’est rendu compte qu’il n’y avait rien à manger, il est reparti bredouille. Au tribunal, tout le monde s’accorde pour dire qu’il n’a rien volé, rien dégradé. Il est condamné à huit mois de prison, dont quatre ferme avec mandat de dépôt, plus deux ans de mise à l’épreuve.

« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » Jean de la Fontaine

Les policiers le frappent et obtiennent 400€ de préjudice psychologique

C’est l’histoire d’un gamin de 19 ans qui, après un banal contrôle de police en voiture (lui était passager), décide de partir en courant parce qu’il planquait du cannabis sur lui. Il se cache dans une haie et les trois policiers partis à sa poursuite le retrouvent rapidement. « Les policiers ont pris des risques, ils ont dû porter des coups et aujourd’hui ils sont partie civile » déclare l’avocat d’un des policiers. L’un de ses confrères va dans le même sens : « certes, personne n’est sorti en civière […] mais psychologiquement, les policiers ont été touché ». Ils obtiendront chacun 400€ pour les préjudices « psychologiques » à la charge du prévenu, cela va de soi.

« Comment, dans un pays où tout doit marcher par les lois, établir une administration dont la nature est de les violer toutes ? […]. Récompenser le crime, punir la vertu, c’est toute la police. » François-René de Chateaubriand

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