Le comité de Montpellier de soutien au mouvement populaire du Rif continue de se mobiliser

Le Poing Publié le 23 octobre 2017 à 18:26 (mis à jour le 10 mars 2019 à 22:20)
La situation dans le Rif aujourd’hui est dramatique. Depuis la mort du jeune poissonnier Mohcine Fikri, happé dans une benne à ordures le 28 octobre 2016 alors qu’il tentait d’empêcher la destruction de ses marchandises par des agents de la ville, des mouvements de contestation citoyens ont éclaté et ont été très durement réprimés. Ces mouvements dénoncent ce fait tragique, commis par l’Etat marocain, et les difficultés socioculturelles et économiques imposées à la région. De nombreuses personnes ont été arrêtées, des violences très dures ont été commises par la police sur de simples citoyens marocains. Des grèves de la faim ont été entamé dans les prisons marocaines pour lutter contre ces injustices qui ne cessent pas, et qui ne sont pas dénoncées “officiellement”, en France, de façon claire et explicite. Le président français, Macron, ne s’est pas désolidarisé du régime marocain devenu pourtant meurtrier, ce qui signifie aujourd’hui une responsabilité française criminelle.

Hier à Montpellier, entre 17 et 18h, en face de la mairie de proximité de la Paillade, une soixantaine de personnes se sont rassemblées pour soutenir les citoyens victimes de la terrible répression au Rif. C’est le Comité de soutien au Hirak du Rif – section Montpellier – (CSMRM) qui appelait à se rassembler. Divers porte-parole ont rappelé la situation du Rif aujourd’hui, et ont appelé à un soutien massif aux personnes emprisonnées et réprimées aujourd’hui là-bas. Ils ont aussi rappelé qu’il fallait dénoncer les conditions de vie insupportables imposées aux Rifains depuis trop longtemps. Le mouvement a été présenté comme un mouvement pacifiste, qui défend légitimement le droit élémentaire à disposer d’une vie digne dans le Rif, et qui en appelle aux droits humains universels pour faire cesser une injustice scandaleuse.

L’ambiance est devenue festive à la fin de la manifestation : les manifestant-e-s ont chanté et ont accompagné ce rythme en frappant dans leurs mains. Mais le rassemblement est aussi grave. L’inquiétude est réelle. Car de nombreuses personnes, dans ce rassemblement, ont un lien fort avec les rifains (certains sont nés là-bas, d’autres ont de la famille qui vit encore sur place). D’autres personnes, des militant-e-s, ou des sympathisant-e-s, étaient également présentes.

Un nouveau rassemblement est prévu le dimanche 28 octobre à 17h, sur la place de la Comédie, pour commémorer la mort de Mohcine Fikri.

Nous avons interrogé Kassem Zekabbar, porte-parole aujourd’hui du CSMRM (comité de soutien au mouvement populaire du Rif – Montpellier), et présent à ce rassemblement, pour qu’il nous en dise plus sur ce mouvement.

Le Poing : Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?

Kassem Zekabbar : Bonjour, je m’appelle Kassem, membre du comité de soutien populaire au Hirak du Rif, anciennement porte-parole du mouvement à Montpellier, et je remplace aujourd’hui le porte-parole qui n’a pas pu être présent.

Pouvez-vous nous parler de la situation sociale, économique et politique, dans le Rif et au Maroc ?

K.Z. : On va essayer de parler de ce qu’on connaît. Ce qu’on connaît, c’est le Rif. Soit on est nés là-bas directement, soit c’est nos parents, en tout cas on a un lien très fort avec le Rif, c’est une région qu’on connaît bien, c’est des gens qu’on connaît, c’est directement nos familles qui sont concernées par ce genre de problème. Après, le problème rifain avec l’Etat marocain n’est pas nouveau. C’est un problème en vérité très connu depuis l’indépendance du Maroc. Ou même avant. On fait remonter toujours les faits décisifs à l’indépendance du Maroc, c’est le minimum. En fait on devrait remonter à l’une des premières guerres anticoloniales, c’est-à-dire à la guerre du Rif de 1921, où l’on a utilisé des gaz chimiques contre la population(1). Ces faits ressortent à un moment ou à un autre. Juste après l’indépendance du Maroc, le Rif a connu l’insurrection de 1958-1959, où l’on a massacré des gens dans une situation qui est presque la même que celle d’aujourd’hui(2). A l’époque, on avait des gens qui demandaient simplement à être des citoyens ayant des droits de citoyens. L’histoire se répète, c’est pourquoi on remonte aussi loin. Aujourd’hui le Rif souffre. On a des gens qui sont en prison, qui sont à 40-45 jours de grève de la faim(3). Le mouvement a démarré depuis la mort de Mohcine Fikri, le 28 octobre 2016. Les gens demandent des hôpitaux, des universités, des écoles, et le problème aujourd’hui renvoie à ça.

Pouvez-vous nous faire un historique des luttes, et un état des lieux des luttes ?

K.Z. : Avant la mort de Mohcine Fikri, les gens dans le Rif étaient déjà marginalisés, et considérés comme des citoyens de seconde zone, voire même pire que ça. Depuis sa mort, on assiste à un mouvement de revendications socio-économiques. On demande un décret pour la démilitarisation du Rif(4). Mohcine Fikri a été tué par le système marocain, corrompu(5). On demande d’abord justice pour Mohcine Fikri. Ce système corrompu a aussi tué des gens qui ont participé à des manifestations, le 20 février 2011, on a des gens en prison depuis cette date. On a également cinq martyrs, “officiellement” brûlés dans une banque, mais on ne sait pas comment(6). Les gens sont sortis pour réclamer justice, pour ces gens-là en priorité. Le Rif réclame aussi un hôpital d’oncologie, car le Rif c’est aussi la région où il y a le plus de cancers au Maroc, à cause des bombardements qui ont eu lieu de 1921 à 1926(7). Les demandes sont simples : des demandes de justice pour les gens qui ont été tués. La réponse de cet Etat criminel fut, comme d’habitude, comme dans le passé, la violence, les emprisonnements, la torture. Aujourd’hui, on a des innocents en prison qui réclament justice. On a des gens qui réclament simplement justice pour ceux qui ont été tués, pour leurs concitoyens. Le problème, à la base, il est tout simple.

A Montpellier, comment avez-vous construit ce mouvement ?

K.Z. : Nous, à Montpellier, on est réellement sortis le jour où ils ont commencé à arrêter les citoyens, à les mettre en prison. Pour parler simplement, on voit des gens à qui on explose la figure; à qui on met des sacs sur la tête comme s’ils étaient des criminels, ou des terroristes ; alors que ce sont de simples citoyens qui veulent vivre dans la dignité, qui veulent vivre sur leur terre, tout simplement. Ils sont dans leurs droits. Nous avant ça, on les a toujours soutenus, parce qu’à la base on a des liens très forts avec le Rif. Moi qui vous parle, je suis né là-bas, ça reste un lien très fort. Je souhaite à ces gens-là de vivre chez eux, de travailler, de se soigner, tout simplement. On souhaite simplement à ces gens-là d’avoir notre vie ici. Même si rien n’est parfait. Mais il y a des choses qui ne se comparent pas malgré tout. On peut parfois faire des raccourcis, mais là c’est un autre monde. Il y a des gens là-bas qui sont entre la vie et la mort. Nous, le minimum qu’on puisse faire, c’est de les soutenir. On essaye aussi de dénoncer, ici en France, comme citoyens français, parce qu’on est pour la plupart des citoyens français aujourd’hui, la complicité du président Macron. Dans une République où il y a des droits, on ne peut pas cautionner un soutien français au régime marocain. On ne peut pas parler dans cette République des droits de l’homme et de la femme, et cautionner cette complicité criminelle de l’Etat français. Les droits des l’homme c’est pour tout le monde. Pourquoi moi, français, j’aurais plus le droit de vivre qu’une personne du Rif, ou encore de Birmanie, ou de partout ailleurs ?

(1) Nizar MESSARI, « L’utilisation des armes chimiques pendant la guerre du Rif (1921-1926) ou de l’ambiguïté des frontières et des séparations en politique », Cultures & Conflits, le 25 avril 2014, http://conflits.revues.org/18827
(2) « Maroc. La révolte du Rif, ligne de faille d’une société inégalitaire », L’Humanité, le 2 juin 2017, https://www.humanite.fr/maroc-la-revolte-du-rif-ligne-de-faille-dune-societe-inegalitaire-636888
(3) « Ambiance très tendue au procès des militants du Rif », Le Matin d’Algérie, le 17 octobre 2017, http://www.lematindz.net/news/25653-ambiance-tres-tendue-au-proces-des-militants-du-rif.html
(4) « Le roi du Maroc envoie ses nervis contre la jeunesse », L’Humanité, le 7 février 2017, https://www.humanite.fr/le-roi-du-maroc-envoie-ses-nervis-contre-la-jeunesse-631701
(5) « Corruption: Le Maroc continue sa dégringolade dans le classement Transparency », Huffpost Maroc, le 25 janvier 2017, http://www.huffpostmaghreb.com/2017/01/25/corruption-transparency-maroc_n_14392588.html
(6) « Al Hoceïma : Le feu est-il éteint ? », TelQuel, le 11 septembre 2017, http://telquel.ma/2017/09/11/al-hoceima-feu-il-eteint_1560729
(7) « Maroc : un siècle après, le gaz moutarde continue de hanter le Rif », France Soir, le 8 juillet 2017, http://www.francesoir.fr/actualites-societe-lifestyle/maroc-un-siecle-apres-le-gaz-moutarde-continue-de-hanter-le-rif

Communique du comité de soutien au Hirak du Rif – section Montpellier – (CSMRM) et ses actions de sensiblisations et de solidarités du mois d’octobre 2017

Un mouvement de contestation et de révolte a vu le jour dans le Rif – région enclavée et marginalisée – dans le Nord du Maroc le 28/10/2016. Ce jour de la mort tragique de Mohsine Fikri – martyr du pain – broyé effroyablement dans une benne à ordures.

Depuis cette horrible date, et presque quotidiennement, des milliers de Rifains manifestent pacifiquement pour exiger la vérité sur ce tragique accident, pour la levée de la militarisation, et scandent des slogans pour dénoncer la gestion mafieuse des autorités.

Lesquelles autorités marocaines, au lieu de panser la crise par des moyens civilisés et responsables, ont opéré – comme à leur habitude – de la façon la plus répressive et la plus brutale ; enlèvements, emprisonnements, violences physiques et psychologiques sur des centaines d’activistes Rifains.

Au jour d’aujourd’hui, trois braves partisans du Hirak – Jelloul, Ablak et Ahmjik – sont au bord de l’agonie. Ils sont en grève de la faim (et se refusent même à boire de l’eau) depuis plus de 45 jours, avec une unique idée en tête : retrouver la liberté extorquée, ou périr.

Conscient de la gravité de la crise dans le Rif, de l’injustice et de l’arbitraire qui s’abattent sur la population du Rif, le CSMRM – Montpellier – invite toutes les âmes libres, militants, sympathisants, à une présence massive à ses deux actions de terrain pour exiger la libération de tous les détenus d’opinion Rifains, la mise en oeuvre des revendications socioculturelles et économiques du Hirak, la levée de Dahir de la militarisation.

Un rassemblement populaire le Dimanche 22/10 vers 17H se déroule en face la mairie de proximité de la Paillade. Et une veillée de recueillement à la mémoire de Mohcine Fikri, le dimanche 28/10 vers 17h se tiendra au centre de la place de la comédie.

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