Archives - Musique 30 mai 2015

Petite lettre aux intolérants du rap

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Salut à toi !

Salut à toi le vieux rockeur baroudeur, la bourgeoise catholique, le paysan rustique, la jouvencelle callipyge, le cadre dynamique, le prof de fac à lunettes, le jeune hippie dreadeux,… Le hasard de la vie a fait que l’on s’est rencontrés. Nous nous sommes posés sur un banc, autour d’un verre à la terrasse d’un café ou d’une expo, puis nous avons discuté. Tu m’as affirmé avec conviction : « Je n’aime pas le rap ! ».

L’incompréhension totale m’a envahit. Les yeux rouges sang et le cogito dans le cosmos, je n’ai pas su, à cet instant fatidique, te répondre un argumentaire digne d’Aristote afin de te convaincre que cela est impossible en 2015. Je soupçonne ton ignorance d’avoir flingué ta raison sur ce sujet-là… Ce n’est rien mon pote, nous avons tous nos moments d’égarement… mais voilà ce que j’aurais voulu te dire :

Petit mollusque, pardonne moi d’être condescendant, mais tu n’a point saisi l’essence du rap. Contrairement à ton esprit, ce dernier n’est ni figé, ni étroit. Je le répète souvent : « Cette musique, née du sample, ne s’élève qu’en partouzant avec tout ce qui bouge. Après plus de trente ans d’existence, nous n’en sommes qu’aux préliminaires. Le rap, à l’image de l’univers, est en constante expansion. Il recycle, vole, invente et réinterprète la musique à sa sauce, se nourrissant de lui même comme de tout ce qui l’entoure, du passé comme du futur. Cet art, de nature, est fait pour se diversifier ».*

Ce que je souhaite exprimer par là, c’est que le rap a dépassé le rap. Il s’est démocratisé, il n’appartient désormais plus à une population, une génération ou une culture stigmatisées. Ce bâtard mange à tous les râteliers. Les avancées technologiques permettent à n’importe qui de se plonger dans la musique, dans la réalisation, la production artistique. Le rap est ainsi partagé entre professionnels et amateurs, de toutes les origines sociales, culturelles, économiques pouvant sampler des styles musicaux aussi variés que les conquêtes de DSK.

Ainsi, depuis les années 2000, le rap a évolué dans de nombreuses directions jusqu’à devenir aujourd’hui une grande famille dont certains membres font du rap brut, d’autres s’inspirent de musique électronique, de rock, de jazz, de chanson française, etc. Le rap n’est plus qu’une manière de chanter, un flow travaillé qui peut se poser sur n’importe quelle genre musical dont le message véhiculé ne dépend plus que de la vision de vie du protagoniste qui se trouve derrière le micro. Que l’on soit un enfoiré de capitaliste libéral convaincu, une groupie de Bakounine, un amoureux d’accordéon ou de guitare électrique, aujourd’hui, chaque individu peut y trouver une forme ou un fond de musique qu’il apprécie.

J’en suis donc convaincu, tu te fourvoies en affirmant que tu n’aimes viscéralement pas le rap, c’est juste que tu t’es arrêté à ce qu’on a voulu te refourguer, sans avoir fouiller dans cette rivière musicale remplis de petite pépite d’or. Sache-le, la barrière entre le rap et les autres styles est devenue très friable.

Musicalement

Jean-Michel Merlin

* « Oz corporation, le « hip hop acoustique » montpelliérain », Le Poing, avril 2015

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