Archives - International 20 avril 2015

Victoire de Netanyahou : la fin du « processus de paix »

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Benyamin Netanyahou a réussi son pari en remportant les élections israéliennes le 17 mars dernier(1). Il va donc gouverner le pays à la tête d’une coalition issue en majorité du Likoud et de ses alliés d’extrême-droite. Pourtant annoncé en difficulté sur le plan intérieur, le « phoenix » est parvenu à renaître de ses cendres à grands coups d’allocutions racistes et de déclarations alarmistes sur la sécurité d’Israël.

On ne change pas une recette qui gagne

Alors que la campagne s’orientait vers des revendications sociales, l’extrême-droite a tout fait pour recentrer le débat sur les éternelles « menaces » qui la font vivre. L’Iran tout d’abord, avec le discours surréaliste de Netanyahou le 3 mars dernier devant le Congrès américain. Agitant le sempiternel épouvantail du nucléaire iranien – en 1996 déjà selon ses dires « le temps était compté » – il fustige l’accord, en cours de négociation, entre l’Iran et les États-Unis. Invité à s’exprimer sur la question par les républicains, le Premier ministre en campagne prend là le risque de ternir les relations avec le camp démocrate, pourtant largement acquis à sa cause(2). Stratégie qui vise à entretenir son image de « gros dur », apte à « protéger » son pays et qui confirme sa sympathie pour une droite américaine en manque d’alliés « virils » sur le plan international depuis les sanglants mandats Bush. Sur le plan intérieur, c’est la menace arabe qui sert de feu de paille. Le Premier ministre a demandé aux électeurs le jour de l’élection de faire front face à « la gauche et [aux] ONG en train d’amener massivement des hordes d’Arabes aux bureaux de vote »(3). Déclaration qui vient clore une campagne théâtrale portant principalement sur un racisme assumé de la part des principaux leaders politiques et qui, malheureusement, trouve écho dans la société israélienne.

Au moins, avec Netanyahou, les choses sont claires

Les résultats, présentés comme un plébiscite en faveur de la colonisation, vont probablement permettre son intensification. Oui mais voilà, en aurait-il été autrement avec une victoire de l’Union sioniste, soi-disant, centre-gauche israélien ? Les accords d’Oslo (1993), censés engager un « processus de paix » depuis plus de 20 ans et brandis comme gage de bonne foi face à la communauté internationale n’ont finalement eu comme principale utilité que de permettre à cette dernière de ne pas se mouiller. Dans un cynisme à toute épreuve, le processus de paix progresse en même temps que le processus de colonisation. Les « centristes » en quête de paix n’ont finalement jamais enrayé ce dernier. Sous couvert de « négociations » avec les Palestiniens, les colonisations n’ont jamais cessé. La position de Netanyahou a au moins le mérite d’être claire : pas question d’enrayer la colonisation et encore moins d’admettre un État palestinien.

La voie onusienne relancée ?

Le soi-disant « processus de paix » est donc définitivement enterré et oblige les puissances internationales à revoir leurs positions. Le chef de cabinet de Barack Obama a déclaré que « Israël ne peut maintenir indéfiniment son contrôle sur un autre peuple ; l’occupation qui dure depuis près de 50 ans doit cesser »(4). La voie onusienne pourrait donc être rouverte si le veto américain cesse de tuer dans l’œuf toute tentative de résolution et freiner tout recours palestinien devant la Cour pénale internationale. Il serait néanmoins illusoire de croire en un changement radical, Obama ayant assuré dès le 17 mars sa volonté de maintenir la politique de soutien militaire à Israël (3 milliards de dollars annuels). Les lignes vont bouger mais impossible de savoir dans quelle mesure.

Que faire ?

Les Palestiniens ont déjà payé très cher les hésitations des diplomaties du globe. Si la résistance armée est compréhensible, elle apparaît inefficace tant la supériorité militaire d’Israël est incontestable. Les tirs de roquettes du Hamas ne font que reculer l’hypothèse d’une solution politique et servent de prétexte à des bombardements massifs et meurtriers. À l’évidence, les annexions de territoire ne s’arrêteront que si le coût économique de ces dernières dépasse les recettes qu’elles permettent d’engranger. Il s’agit donc de lutter sur le plan économique en s’attaquant au portefeuille des élites. C’est le but de la campagne Boycott – Désinvestissement – Sanctions (BDS) lancée en 2005(5). Opération pacifique, le boycott à l’échelle internationale est incontestablement le meilleur moyen de faire pression sur Israël pour stopper la colonisation, condition préalable à tout réel processus de paix.

L’émergence d’une liste commune arabe

En mars, une loi a l’initiative de l’extrême-droite a été votée par la Knesset (parlement israélien) pour rehausser le seuil électoral de 2% à 3.25% afin d’empêcher les partis arabes d’avoir des représentants. Cette mesure discriminatoire a conduit différents partis à s’unir dans une liste hétérogène composée de nationalistes arabes, d’islamistes et de socialistes. Celle-ci est parvenue à se hisser comme troisième force politique du pays en fédérant les arabes israéliens autour de la question de « l’égalité civique ». Leur leader, l’avocat Ayman Odeh, a déclaré : « Tout comme les Juifs aux États-Unis ont rejoint Martin Luther King, je suis sûr que des centaines de milliers de Juifs se joindront à la lutte pour l’égalité civile en Israël ». Malheureusement, le racisme affiché ouvertement à l’égard des arabes durant la campagne laisse peu de place à un tel optimisme. Déclaration qui a aussi du mal à cacher l’absence – logique – d’un projet politique commun au sein d’une liste où se côtoient militants d’extrême-gauche et islamistes.

Mario Bilella

 

(1) Le Premier ministre dispose d’une majorité potentielle de droite de 67 sièges sur 120 ; son parti, le Likoud, obtient 30 sièges et devance ainsi l’Union sioniste (24) et la Liste commune des partis arabes (13).
(2) Selon Samantha Powers, ambassadrice des États-Unis auprès des Nations-unies, l’administration Obama a consacré plus de 20 milliards de dollars à la sécurité d’Israël ; en 2011 le pays a quitté l’UNESCO pour protester contre l’admission de la Palestine.
(3) Sylvain Cypel, « La réélection de Netanyahu enterre définitivement le processus de paix », Orient XXI, mars 2015.
(4) Idem.
(5) Plus d’informations sur bdsfrance.org.

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